jeudi 29 avril 2010

ANKARA 2

Pour revenir sur les représentations, le contraste est saisissant entre la 1ère et la seconde. Le public de la première est constitué exclusivement d'enfants venant des quartiers défavorisés, beaucoup de gitans. Dès les premières notes de musique on sent le public très concerné. Il se déchaine littéralement durant la chanson de Mahmut, des sifflets, des cris, on a l'impression d'être dans un concert de rock. Je ne crois pas que l'Eléphant ait jamais connu un tel accueil : Mahmut pop-star.
L'après-midi, public "bourgeois" et réactions contenues. Attentif mais rien à voir avec le matin.
Les sur-titres sont mal calibrés et de toute manière peu d'enfants les lisent. Toutes les représentations souffriront de cet handicap. La seule chose qui accroche est la musique. Les adultes ( principalement des gens du métier) apprécient eux favorablement le spectacle.
L'organisation du Théatre d'Etat est un vrai monolithe, extrêmement centralisé elle est ultra puissante. A l'image de son inspirateur le grand A, les décisions valables pour tous sont prises par une poignée de responsables. Ainsi à Ankara, qui compte 11 scènes dépendant de l'état, la programmation de tous les théâtres est décidée par une seule personne. Durant le mois de mai,
les directeurs artistiques de tous les théâtres d'Etat ( Devlet Tiyatro) de Turquie se réunissent et décident de la programmation générale de la saison suivante. Notre départ ayant été retardé, sur un coup de fil du Directeur Artistique au CC français qui désire absolument notre présence au cocktail du festival, on se saoule la gueule et on part prendre l'avion pour Izmir

mercredi 28 avril 2010

KONYA, ANKARA 1

A l'issue de la première représentation qui me semblait s'être plutôt bien passé, la comédienne qui présente le spectacle se fend d'une crise qui tout d'un coup cristallise les tensions dans le groupe.
Pleurs, claquements de portes et tutti quanti. Tout s'arrangera progressivement durant les jours suivants... A Ankara, même hôtel en plus chic. En fait cette chaîne est très proche du gouvernement de l'AKP et contribue activement au financement du parti. Petit déjeuner de rêve, profusion et produits de qualité indéniable. Nous sommes en plein coeur d'Ankara, sur l'Atatürk Bulvari, au milieu des ambassades. Dans les rues parallèles bars et restos modernes attendent les gosses de riches, les employés et les jeunes filles innocentes arborant des piercings pour faire chier la famille. A propos de jeune fille nous avons avec nous une chaperonne de 21 ans, charmante et parlant français. Quand Sylvie prononce le mot "Kurdistan" elle se raidit en disant que ça n'existe pas (certes !), après avoir vu le spectacle elle avoue à Sylvie qu'elle est choquée par le film dans lequel les enfants déchirent le panneau "Interdit de se baigner" surtout à cause de l'image qui est donnée de la Turquie, qu'elle juge négative. A part ça une perle, vive, dévouée,
intelligente. Toute une troupe d'étudiants engagés pour le festival pour un salaire correct en ce qui concerne le pays mais qui payent eux-mêmes toutes les communications téléphoniques incessantes qu'ils sont contraints de passer pour mener à bien leur mission. L'organisation de festival est ultra-rodée et nous sommes reçus comme des princes. Il y a pourtant une énorme incohérence entre le standing de la réception et le fait que les troupes présentes n'ont aucun cachet si elles ne se démerdent pas avec les services consulaires de leurs pays d'origine, ce qui semble n' être le cas que d'une petite minorité.
Le théatre où nous jouons est le plus ancien théâtre d'Ankara (1947 - ce qui signale l'extreme jeunesse de la tradition théâtrale turque), l'équipe technique - très sympathique et douée d'une excellente humeur semble s'entendre très bien ( çay à tous les étages ) et nous aide efficacement malgré les inexplicables manques dans le matériel compensés par l'ingéniosité et la bonne humeur. Les 4 représentations se passent bien. Les sur-titres posent quelques problèmes mais nous en venons à bout.

jeudi 22 avril 2010

Konya, 2ème jour

7 h du matin je me glisse hors de ma chambre au 18ème étage, on apprécie mieux la position de l'hôtel qui domine toute la plaine de Konya, bordée de montagnettes aux profils variés, d'autant que le soleil n'est pas encore visible. 10h arrivée dans le centre cul de la banlieue de Konya. Une salle immense mais aucun équipement, tout est à apporter du théâtre du centre-ville.
Dans les rues les gens apparaissent très uniformisés : femmes au foulard islamique, pas d'alcool ou de bière dans les épiceries, un air ultra consensuel en accord avec le gouvernement de l'AKP. Rien d'attirant, pour ne pas dire plus. On quitte le théâtre vers 19h, tous épuisés, on fait l'impasse sur le spectacle bulgare, programmé au vrai théâtre, et on rentre dans notre ghetto rupin et banal, après avoir acheté une bouteille de raki et des bières. Nos accompagnateurs nous signalent qu'il serait judicieux de cacher nos achats car l'hotel pourrait nous faire grise mine. J'en doute mais nous en tenons compte pour leur faire plaisir. C'est l'occasion de prendre un apéritif et de faire le point avant les représentations de demain. A 10h après un repas copieux mais sec, chacun rentre dans sa chambre. Demain après nos deux représentations nous quittons Konya pour Ankara. Sans regrets ? Sans regrets.

mercredi 21 avril 2010

Konya, la ville de Rumî

C'est les retrouvailles avec la Turquie, après 7 mois à Paris. La compagnie est comme toujours accueillie chaleureusement par les jeunes femmes du théâtre d'Etat, cette fois à Konya. L'hôtel est luxueux mais a le mauvais goût de se trouver à 25 km du centre, ce qui signifie que pour aller trouver un market on peut toujours se brosser, que la bière au bar est à 8 €, que les chambres n'ont pas de fenêtres ouvrables, que l'eau du robinet n'est pas potable et qu'on demande 6€ pour une bouteille d'un litre et demi, en gros tous les ingrédients du voyage dans une bulle qui sied si bien à l'homme d'affaires captif. Et puis la Turquie ca signifie aussi pas de You Tube, pas d'Arte+7.. Bon j'arrête, maussade ce soir. Demain : montage du spectacle , au moins on va travailler. C'est déjà ça.

vendredi 2 avril 2010

Longévité d'une imposture


 Quand dans les années 1970 le maoïsme exerça un attrait incoercible chez tous les carriéristes de la critique, il mit à jour un aveuglement difficilement compatible avec ce qui fait profession de penser.
Mais qu'avait donc rapporté à Sartre ( par exemple ) tant d'études, de réflexions, d'œuvres, d'aventures si au bout du compte celui-ci ne trouvait meilleur emploi à sa pratique que d'aller faire l'homme-sandwich pour les maoïstes de la " Gauche Prolétarienne " à la sortie des usines Renault ?

 J'en ai cité un, on devrait les citer tous. Cela constituerait un joli florilège des cadres en charge des décennies suivantes dans des secteurs les plus variés. Il est étonnant de constater que d'avoir été tant de fois disqualifié par des prises de positions aberrantes n'a pas nuit à leur carrière et que bien au contraire cette pratique a largement contribué à l'avancement de celle-ci ( un réseau, deux rhizo..).

 Un des grands mérites de l'ouvrage de Jean-Marc Mandosio
[ " Longévité d'une imposture : Michel Foucault " édité par l'Encyclopédie des Nuisances ] est de montrer que les prises de positions aberrantes de Foucault - éloge de la condamnation sans preuves au nom de la Justice Populaire (époque maoïste), flirt poussé avec Khomeyni ( période pro-islamique ), etc.. - sont en accord avec les "conceptualisations" de celui qu'on gratifia du titre de "plus grand philosophe français".
Que cette incohérence est même le seul principe qu'elle érige pour justifier son opportunisme. Valeur essentielle, message fondateur du monde tel qu'il va. Selon ce principe la chute des illusions est inévitable, mais il faut veiller, comme le dit la chanson, à toujours retomber du bon côté.